Bijoux d’artistes, bijoux contemporains, oeuvres d’arts… Même combat ?
Dans cette nébuleuse, nous aurions besoin de quelques explications. Il y a dans ces 3 termes une vision définitivement artistique du bijou avec une démarche impliquant le concepteur lui même. À la différence d’un créateur de bijoux contemporains indépendant, Max Ernst, Picasso, Joseph Penon, Niki de Saint Phalle et tant d’autres représentés, se revendiquent en tant qu’artistes et se réalisent à travers leurs oeuvres par le biais d’une démarche expérimentale, comme le ferait un plasticien ou un sculpteur. Le bijou d’artiste peut aussi être la représentation miniature d’une oeuvre qu’un artiste commande à un artisan, sans forcément l’assimiler à une volonté démonstrative ou revendicative.
Une exposition qui éveille, interroge et étonne !
Elle bouscule les codes esthétiques et la place du bijou traditionnel à grand coups de questionnements artistiques sur fond d’or ou de terre cuite, avalant des images de ce monde insatiable et curieux. Certains un peu pop, d’autres militants, ou encore terriblement modernes et pourtant ancrés dans leurs époques. Exposés côte à côte dans des vitrines rectangulaires, ils sont une part méconnue de l’oeuvre d’un artiste.
Le regard de l’Art à travers un bijou.
Les mains en or d’artistes et d’artisans
Désinhibé de toutes règles techniques, le bijou d’artiste n’a pas de frontière. C’est en circulant dans le parcours chronologique que nous propose le musée que cette liberté surgit, frappante mais sublime. En ouverture, un focus sur Jean Dubuffet et ses créations imprégnée par l’art primitif africain. Il travaille la tête humaine aux traits volontairement maladroits et sinueux. Des miniatures en papier d’argent froissé à l’apparence d’écorce de bois. L’oeuvre est humble, le tracé spontané cache en réalité un travail de précision.
Moins connu pour ses ébauche de bijoux et ses prototypes de biscuits de plâtre ou de céramique, Picasso fait, lui, appel à l’artisan François Hugo pour ciseler ses miniatures d’or et les monter en broches.
Le vocabulaire des formes est vaste pour que le bijou ne se réfère pas simplement à une fonction ornementale mais à une notion désincarnée, expérimentale. L’artisanat et l’Art entrent en dialogue dans cet espace.
Arts avec un grand S
Nous avons là un jolie patchwork d’artistes inattendus dans le milieu du bijou ! On découvre un Cocteau créateurs de bijoux pour Elsa Schiaparelli ou Chanel avec des jeux de têtes symétriques. On s’étonne devant la finesse des oeuvres de Salvador Dali, fidèle à son univers surréaliste. Ses thèmes de tableaux deviennent des boucles d’oreilles téléphones ornées d’émeraudes en pampilles et de diamants, ou un peigne-horloge. Bijou et peinture trouvent leurs places sans se faire d’ombre. L’un sert la cause de l’autre pour exister de la plus belle des manière.
Place à l’interprétation !
Lors du cheminement, on retrouve des archives d’interviews d’artistes. Jacques Villeglé se confie à la caméra. D’ordinaire affichiste, il avoue ne pas être fait pour associer un bijou et une femme. Il eu l’opportunité d’en créer plusieurs, des demandes précises, dont l’un pour Diane Venet à l’initiative de ce projet. Il tire de la rue des symboles anonymes et souligne la puissance des idéogrammes à travers le monde et ses cultures.
Chez Lucio Fontana, une ellipse rouge vive se glisse au bras comme une hybridation du membre.
Le bijou d’artiste est lourd, fin, tortueux, écrasés, coloré, inconfortable comme pour affirmer sa présence, sa légitimité. Il contraint le corps par sa forme, oblige à se comporter autrement mais s’affirme aussi non porté, en oeuvre d’art.
Miniatures, oui, mais grandes oeuvres !
En fin de parcours, nous sommes impressionnés par un tout petit concombre en argent embroché sur son pic et serti de petit saphirs bleu. C’est le fruit de l’imagination d’ Erwin Würm. Sans se faire concurrence, un collier massif nommé joliment Garot Tina nous intrigue. Il s’inspire d’un instrument de torture. Une étreinte mortelle ornée d’émeraude et de diamant. La délicatesse du travail de joaillier en ferait presque oublier l’origine sinistre de l’objet…
Avec Niki de Saint Phalle les femmes sont fardées d’émail porcelaine et pleurent des diamants, un oeil à tête d’oiseau tire sa langue d’or. Meret Oppenheim, elle, propose un chemin fléché sur une bague en onyx alors qu’un bonbon à l’emballage d’argent clôture délicieusement cette exposition.
Souvent fabriqués pour offrir à des amis ou à des proches, ces bijoux retranscrivent l’univers unique de chacun de leur créateur et portent leur signature. Ils sont reconnaissables en un coup d’oeil.
Mais libres des carcans de la joaillerie, les artistes n’hésitent pas à détourner des méthodes ou des objets pour les rendre aussi précieux que riches de sens.
Nous n’aurons qu’un mot pour conclure : « Rêvez ! ». Ce même mot qui est écrit en néons colorés sur le dernier mur de l’exposition. On ne nous le dira pas deux fois…